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La Répartition Du Résultat

La répartition du résultat

Les systèmes de répartition de résultat

L’éude des systèmes de répartition du résultat est plus que jamais d’actualité dans un contexte économique perturbé d’une part, soumis à forte concurrence, d’autre part.

N’oublions pas que faute d’avoir trouvé le mode satisfaisant, de nombreuses structures souffrent de querelles internes dont l’ultime issue est bien trop souvent la scission des associés. Pour autant, et ce malgré les croyances qui sont tenaces en la matière, il n’existe pas de système de répartition universel et miraculeux. Chaque système est, d’une part, le fruit de l’histoire du cabinet et des associés, d’autre part, révisable à périodicité constante pour prendre en considération les problématiques diverses survenant au cours de l’évolution de la structure. Cependant, il est possible de distinguer des grandes familles de systèmes de rémunération, dont la philosophie sous-tend le développement du cabinet et influe sur les comportements au quotidien.

Systèmes du lock-step

Le lock-step est basé sur un système de répartition des bénéfices entre associés, il a pour origine les cabinets d’avocats britanniques. Les revenus sont partagés entre tous les associés selon le critère de l’ancienneté, qui prime ainsi sur la contribution de chaque associé. Ce modèle s’oppose notamment au système, initialement américain, du « eat what you kill » basé sur la rentabilité des avocats.

Ce système a ses adeptes, qui prônent des atouts qui découlent directement d’une logique favorisant l’intérêt du cabinet au détriment de l’intérêt personnel. Au rang de ces derniers, on peut citer, la cohésion entre associés, le partage des dossiers entre avocats, le développement d’un jeu collectif, la prévention des conflits.

Il convient de mettre en avant l’intérêt du client, puisque son dossier sera traité par l’associé le plus compétent dans le secteur donné et non par celui qui aura un intérêt financier à le traiter.
La méthode est censée le rassurer de par sa nature même: les associés n’étant pas rivaux, ils ne rechignent pas à faire intervenir le spécialiste sur le cas soulevé.

Enfin, le lock-step veut offrir la possibilité de transmettre très progressivement le savoir, la clientèle et, plus généralement, tout ce qui constitue la valeur et le good will du cabinet, sans que prévalent les problèmes de rémunération qui peuvent perturber la vie courante et ce, jusqu’aux ruptures.

Ce système est concrètement mis en application à partir d’une grille, dite « grille de lock-step » qui vise chaque année à octroyer des points aux associés en fonction, notamment, de leur ancienneté. Leur correspondance est constituée par un pourcentage qui sera appliqué au résultat à répartir.  Dans la pratique, cela revient à attribuer à l’associé une rémunération technique évolutive.

Il n’est cependant pas dépourvu d’inconvénients, le premier étant  la capacité des professionnels à raisonner en mode « jeu collectif ». Il convient, pour pouvoir appliquer un tel système, d’avoir un projet de cabinet très fort et très construit, un affectio societatis à toute épreuve et des valeurs communes importantes. Le second inconvénient est que le système du lock-step appliqué à 100 %, ne prend pas en compte les écarts de performance importants qui peuvent peser fortement sur l’équilibre à terme des rapports entre associés. Enfin, Il est difficile à appliquer dans les structures de petite taille ; il  nécessite en effet un volume d’affaires dilutif des angoisses du carnet de commandes.

Le « eat what you kill » 

A contrario, on trouve un système basé sur le rendement pur de chaque associé, le « Eat what you kill » ou, littéralement, « manger ce que l’on tue ».
Nous croisons fréquemment ce type de système dans les cabinets de petite taille avec toutefois un écueil fréquent qui est l’incapacité des associés à apprécier le véritable rendement individuel.

Il est très souvent évalué en regard du chiffre d’affaires, parfois évalué en regard d’une comptabilité sommaire du chiffre d’affaires, sous déduction des charges directes. Il est très peu approché de façon budgétaire avec de réelles clefs de répartition des charges fixes. Le choix des clefs de répartition des charges communes est une donnée fondamentale pour calculer de façon fiable et équitable la répartition des indirects. On peut citer à ce titre, le « per capita », le nombre de m2 occupés et le nombre d’ETP (Equivalent Temps Plein).

Toutefois, même mis en application correctement, le choix unique de ce système est, à notre sens, aléatoire et dangereux pour les raisons inverses de celles que nous avons évoquées précédemment. En effet, il induit un risque évident de sortir de sa spécialité par le souhait de capter des dossiers en vue d’augmenter le chiffre d’affaires. Il incite donc à la création d’une forme de concurrence interne, déspécialisante. Il ne favorise en aucune manière la gestion du cabinet et la gestion collective, le temps à impartir à ces actions étant le plus souvent vécu comme pure perte. Enfin, il gomme l’indispensable dimension humaine nécessaire au socle du travail collectif. Il est à l’origine de nombreuses querelles au sein des cabinets, ou encore à l’origine de cabinets fonctionnant comme des SCM, sans projet commun autre que celui de partager au mieux quelques charges.

Les systèmes mixtes

Faisant le constat que les préceptes préalablement décrits représentent des extrêmes, de nombreux cabinets de toutes tailles ont entrepris des refontes de leur système de répartition, visant à mâtiner et à ne conserver que les avantages préalablement décrits.
Le jeu de cette mixité, résidera dans le fait d’équilibrer les meilleurs critères de répartition à une réalité économique et de fonctionnement.

• Le cas de la rémunération du capital détenu

A l’instar de sociétés traditionnelles, certains cabinets prônent des systèmes de répartition du résultat rémunérant le capital.
Il convient de noter que, dans ce cas précis, et sans entrer dans un débat sur la capitalisation et la patrimonialité des structures, il ne peut s’agir que d’une forme résiduelle de répartition, assimilable aux dividendes et qui viendra après la répartition de la part du résultat correspondant à la contribution de chacun (à son industrie).

Les systèmes de répartition du résultat

Il apparaît nécessaire d’adopter des systèmes de répartition mixtes, cassant le schéma des extrêmes que sont le lock-step d’une part, le « eat what you kill », d’autre part.

Ces systèmes de répartition dits mixtes s’appuient en général sur de nombreux critères, destinés à récompenser tout type de performance.

Des critères…objectifs

La performance ne se résume bien évidemment pas à la rentabilité.

Entre autres exemples, elle pourra être la capacité à trouver de nouveaux clients, en dehors du champ même de sa propre compétence (cross selling), à fidéliser de nouveaux clients, à propulser l’image du cabinet, à développer l’outil de travail, à fédérer les équipes…Si les principes de gouvernance et le système d’évaluation ne prennent pas en compte ce type de critères, ou encore, n’en définissent pas les contours et le poids, on sait par expérience, que ces actions sont particulièrement chronophages avec un retour sur investissement non immédiat. Il sera difficile de mesurer une performance.

Quant à la mesure des facteurs de rentabilité immédiats (temps passés – action/facturation – recouvrement – rentabilité), il convient de faire particulièrement attention aux critères qui en sous- tendront la mesure.

En effet, la « sur mesure» de la performance de l’individu, ou du département, sont autant de dangers contre productifs. On pourra facilement leur préférer la mesure de la rentabilité d’un client ou d’un dossier. Encore faut-il pour cela que le cabinet ait des règles de gestion strictes et un outil de mesure adapté, au risque de voir disparaître l’intérêt du système. Il n’y a pas de mesure possible sur des systèmes flous et empiriques.

Certains cabinets rémunèrent également la fidélité de leurs associés et accordent une part non négligeable de la répartition à l’ancienneté pure (nombre d’années d’association).

D’autres rémunèrent les actions de gestion des associés qui sont choisis ou se désignent pour s’investir, par exemple en prenant le nombre d’heures passées à gérer (l’imputation des temps passés est obligatoire de ce point de vue) et en les affectant d’un taux horaire au prix de revient qui permet de les retraduire en CA fictif.

Enfin, il est nécessaire de constater que les cabinets accordent une moindre importance au critère pur du chiffre d’affaires, cette notion étant à compléter par une analyse de la rentabilité du groupe.  En effet, de nombreux cas ont montré que le chiffre d’affaires de l’équipe pouvait ne pas être rentable s’il est très consommateur de ressources.

Ainsi, les critères mis en place devront mesurer toutes les performances : court terme, investissement collectif, performance long terme, développement, management.

Des critères quantifiables

La quantification des critères et de leur poids respectif est devenue capitale pour éviter une gestion molle et aléatoire de la répartition.

Dès lors, quelle part et quelle décomposition envisager ? Elles dépendront bien évidemment de la philosophie du cabinet, des valeurs et des objectifs stratégiques que celui-ci se donne.
Nous ne pouvons ici que donner un exemple qui méritera d’être adapté au cas particulier.

A notre sens, la quantification doit avoir lieu à deux niveaux distincts :

  • La proportion du résultat rémunérant tel ou tel critère, ou groupe de critères.
  • Pour le critère, ou groupe de critères en question, le mécanisme de l’attribution de la part du résultat envisagée.

Ainsi, pour un résultat net, R, en Selarl, nous donnons ci-après un exemple de répartition :

85 % de R est soumis à répartition entre les associés dont :

  • 10 % va à la rémunération des associés en capital ayant plus de 5 ans d’ancienneté (le délai s’apprécie à partir du jour de l’Association en capital) : la sous répartition de cette quote part peut être prévue per capita.
  • 20 % va à la rémunération de la détention en capital de chacun des associés appréciée en fonction de la détention,
  • 30 % va à la rémunération de l’industrie de chaque associé, mesurée par la moyenne des chiffres d’affaires réalisés par chaque associé et par chaque équipe. Pour apprécier cette proportion, les associés disposant de domaines de gestion se verront créditer d’un chiffre d’affaires fictif. Celui-ci est le produit du nombre d’heures consacrées à la gestion par le taux horaire, apprécié au prix de revient.
  • 30 % va à la rémunération de la contribution à la rentabilité de l’équipe, mesurée dans des termes précis.
  • 10 % va à l’effort contributif à répartir en fonction des critères suivants :
    • ½ : Contribution à la notoriété du cabinet : mesurée en nombre d’articles, conférences, formations, interventions…
    • ½ : Effort de promotion des activités des autres départements : mesuré par l’apport d’affaires (CA apporté)

15 % de R sera porté à la réserve.

Des critères particuliers

Notons deux points particuliers dans cette proposition de répartition :

  • Le premier concerne la faible proportion attribuée à l’apport d’affaires.
  • Le second concerne le poids plutôt important consacré à la réserve.

La rémunération de l’apport d’affaires est très discutable et discutée dans des structures capitalisant sur le nom, sur les valeurs incorporelles, sur la structure elle-même et appliquant le respect de la départementalisation et de la spécialisation, devant nécessairement conduire à un traitement des dossiers par les spécialistes et ce, dans l’intérêt des clients. Elle est même assez contradictoire avec une stratégie de cabinet et peut conduire à favoriser le développement de chapelles et la transgression de la notion de département.

En effet, pourquoi rémunérer l’apport d’affaires alors même que le cabinet est censé être spécialisé ? Cela ne sous-entend-il pas, qu’en cas de non rémunération de cet apport, l’associé apporteur conserverait le dossier par devers lui ? Ce critère est donc très dépendant de la stratégie du cabinet.

Pour ce qui est de la partie du résultat à affecter à la réserve, il va de soi que cette notion n’est valable qu’en Selarl. Toutefois, il est légitime de rappeler que le principe de prudence veut que les associés, y compris ceux qui exercent en BNC, ne se distribuent pas l’intégralité du résultat pour des questions relatives à la couverture du BFR d’une part, aux besoins d’investissement, d’autre part. Enfin, rappelons également qu’en cours d’année, les acomptes à verser aux associés devront être calculés mensuellement, pour la régularité et sur la base de la répartition de l’année précédente, elle-même coefficientée à 70 %, afin de ne pas subir une perte en trésorerie en cas de baisse du résultat de fin d’année. Les sommes versées aux associés ne sont que des avances sur résultat.

S’arrêter sur des critères cohérents et facilement maniables est en réalité un exercice complexe, relevant d’une Charte d’associés et très dépendant des objectifs, des valeurs et de la stratégie du cabinet.

Répartition du résultat : de la nécessité d’une gouvernance claire

Au-delà des considérations techniques préalablement abordées, il convient également d’insister sur les principes de gouvernance qui doivent animer les associés des cabinets.

PAS DE REPARTITION SEREINE SANS UNE GOUVERNANCE CLAIRE

La répartition du résultat, pour être bien vécue, doit être clairement énoncée et acceptée, d’une part, et répondre aux objectifs que s’est fixée l’entreprise d’avocats, d’autre part.

A ce titre, la répartition du résultat est un exercice en rapport direct avec les modes de gouvernance qui doivent prévaloir dans les cabinets.

La gouvernance n’est pas l’apanage des grands

Cet adage est particulièrement vrai dans le cas particuliers des structures d’avocats. Rappelons, en effet, que la particularité de l’entreprise d’avocats, est en général de réunir en son sein un nombre conséquent d’associés, dirigeants et producteurs à la fois, mus par un esprit libéral de surcroît.

Partant, à la difficulté classique d’établir des règles de fonctionnement entre les acteurs impliqués et à déterminer les objectifs qui gouvernent l’entreprise, se rajoutent dans le cas particulier du cabinet, la pluralité des acteurs-décideurs et la difficulté à mettre en avant le jeu collectif que connaissent tant d’avocats. Il est fréquent, à ce titre, de rencontrer des processus de décision longs, complexes et contre efficaces dans ces structures.

L’appréhension de l’ensemble des processus influençant la manière dont le cabinet sera dirigé, administré et contrôlé devient, de ce fait, plus compliquée, mais tout aussi primordiale.

Quant à la réflexion à mener  concernant les objectifs stratégiques, principe même de la gouvernance et trop souvent ignorée dans les structures libérales, elle constitue la justification même de systèmes de rémunérations partiellement décorrélés de la facturation et garants du développement de l’entreprise.
Rappelons-nous, à ce titre, de la célèbre phrase de David Maister, professeur à Harvard et « pape » des services professionnels : « ce que tu fais de tes heures facturables détermine ton présent, ce que tu fais de tes heures non facturables détermine ton avenir ».

Répartir le résultat signifie également se déterminer sur l’emploi des heures non facturables…

3.2. POURQUOI NE PAS ECRIRE UNE CHARTE ?

Il est de plus en plus fréquent que les associés des cabinets viennent à nous avec pour besoin celui de clarifier leur mode de fonctionnement interne entre associés. Ce besoin est dicté, d’une part, par la nécessité d’un débat consensuel et ouvert sur la politique stratégique du cabinet et d’autre part, par le souhait d’offrir de la visibilité aux entrants et enfin, par le besoin de mettre en place, le plus souvent, des règles de fonctionnement en matière de gestion et de qualité.

La résultante en est la mise place de règles de répartition adaptées et compatibles avec les politiques préalablement prônées. Il ne faut pas s’y tromper, l’exercice de la répartition du résultat sera d’autant plus serein qu’il reflètera le mode de fonctionnement global de la structure.

La difficulté réside en général dans le temps qu’il convient de prévoir pour mettre en place une Charte dite de gouvernance. D’un exercice qui peut paraître simple à 3 ou 4 associés, on passe rapidement à un effort de réflexion qui s’étale sur plusieurs mois, tant sont généralement nombreux les sujets à évoquer et à résoudre.

A titre indicatif, lorsque le cabinet entame la rédaction d’une Charte de gouvernance, nous lui conseillons de procéder par ordre et de traiter les sujets suivants, les plus fréquemment abordés dans les Chartes :

  • Valeurs
  • Fonctionnement entre associés
  • Stratégie et développement
  • Règles de répartition du résultat
  • Critères et chemin d’association
  • Gestion et qualité

Enfin, il est nécessaire de rappeler que, tout comme les chartes, les règles de répartition du résultat évoluent et qu’il est souhaitable de les revoir à périodicité constante afin de rester proche des considérations liées au développement du cabinet. A ce stade de notre réflexion, nous pouvons indiquer que la durée de vie de ce type de système est de l’ordre de 3 à 4 années.

Caroline Neveux

Consultante

Finance et Stratégie
Médiation

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